Regard sur le centre des apprentis
J'avais promis de vous raconter les jours passés au centre des apprentis de Kodo. J'ai manqué de temps et de mots à mon retour. Mais je vais maintenant essayer de vous raconter ça un peu.
Notre visite au Kenshujo (centre des apprentis) a constitué le coeur du voyage formidable que nous venons de faire, et c'est aussi là où nous avons vécu les émotions les plus intenses. Laissez-moi d'abord vous expliquer ce qu'est le Kenshujo. C'est une vieille école primaire, construite à l'ancienne (magnifique). Comme toutes les autres îles dans le monde, l'île de Sado perd graduellement ses habitants au profit des villes, et il n'y avait plus assez d'enfants pour garder l'école ouverte. Kodo a donc loué cet espace pour former ses apprentis il y a une quinzaine d'années je crois. Le bâtiment est situé en pleine nature, à une heure de route de la ville d'Ogi. Les jeunes qui vont y étudier ont majoritairement entre 18 et 20 ans, bien qu'il y en ait quelquefois des plus vieux. Ils vont s'y isoler pendant deux ans, sans Internet, sans téléphone, sans contacts ou presque avec le monde extérieur (et sans chauffage ou presque l'hiver!), loin de leurs familles, pour apprendre le taiko, la danse, la flûte, les traditions et les arts martiaux du Japon et de l'île de Sado. Ils espèrent tous être choisis pour faire partie de Kodo. Combien d'élus? Sur une dizaine qui sont évalués à chaque année, parfois aucun n'est retenu; souvent, deux ou trois seulement. Une année record, ils ont choisi 7 personnes, mais ça n'arrive presque jamais. Les autres s'en retournent tout simplement chez eux. Certains vont intégrer d'autres groupes de taiko, certains choisiront une autre carrière. Kodo tente d'inculquer à ses apprentis un concept de vie en harmonie avec l'environnement. Ils font pousser leur propre riz et ils cultivent des légumes. Ils font du jogging tous les matins sur une route magnifique qui mène dans les montagnes. Ils ne dérangent pas la grosse araignée velue qui habite dans le coin de la toilette des filles; et ils ramassent délicatement les énormes guêpes qui tombent au sol pour aller les porter dehors, sans jamais même envisager de détruire les 5 nids à l'intérieur de la bâtisse, malgré le fait que tout le monde se promène pieds nus toute la journée. Ils apprennent également les traditions locales, comme la danse du démon (Oni Daiko). Selon cette tradition, lors d'un festival qui a lieu à l'automne, des habitants de l'île revêtent des costumes de démons et se promènent dans le village et dansent avec un taiko devant chaque maison pour en chasser les mauvais esprits et apporter la chance. Cette tradition a toujours été réservée aux natifs de l'île, mais à force d'entretenir de bonnes relations avec les habitants, Kodo a obtenu l'autorisation de faire participer ses apprentis à cette tradition. Évidemment, quand est un invité en visite au Japon, on ne voit que le beau côté des choses; ils nous ont cuisiné ce qu'ils savaient le mieux cuisiner; ils nous ont joué ce qu'ils savaient le mieux jouer; et ils nous ont montré des visages toujours souriants, un enthousiasme débordant et une belle camaraderie entre les apprentis. Nous savons bien que la réalité est autre quand nous n'y sommes pas; que l'entraînement est extrêmement difficile, que c'est très compétitif, que la vie est dure et que les relations entre les apprentis ne sont probablement pas toujours au beau fixe. Ajoutez à ça qu'il y a 2 filles et 14 garçons en ce moment, ça n'améliore pas les choses. Tous ceux à qui nous avons parlé nous ont dit que pour eux, notre visite était une pause très appréciée dans leur quotidien; et que, pour eux, notre enthousiasme envers leur passion et leur culture leur permettait de se rappeler pourquoi ils avaient décidé d'entrer au Kenshujo. Nous avons bien sûr eu des ateliers de taiko pendant notre séjour, donnés par un homme formidable qui s'appelle Yoshikazy Fujimoto. Jusqu'à il y a quelques années, c'est lui qui faisait encore les solos de odaiko dans Kodo - si vous avez vu le groupe en spectacle il y a plus de 2 ans, vous avez pu le voir à l'oeuvre. Il est un de ces hommes qui a une carrière et une reconnaissance internationale mais qui n'a pas l'égo correspondant; il a transporté nos bagages quand nous sommes arrivés, il a fait le jogging avec nous le matin et il a mangé à table avec nous. Pendant les ateliers, après nous avoir enseigné les pièces et les avoir pratiquées quelques fois avec nous, il s'assoyait par terre et nous regardait jouer en s'amusant comme un petit fou. Difficile de connecter quand on ne parle pas la même langue, mais une rencontre formidable quand même. Et les apprentis? Tous charmants, tous resplendissants, tous adorables. J'ai une admiration sans bornes pour la façon dont ils se dédient à leur art et y mettent toute leur énergie. J'espère pouvoir les rencontrer de nouveau et apprendre à mieux les connaître dans les années à venir, parce que trois jours et demi, c'est vraiment trop peu pour apprendre à connaître des personnes aussi extraordinaires. Voici tous les apprentis qui étaient là avec nous : |
Jour 7 : Jeudi 6 septembre 2012 - KASA Mix jour 3 - Arrivée au Kenshujo, Wachi, Oni TaikoJour 8 : Vendredi 7 septembre 2012 - KASA Mix jour 4 - Yose Daiko, Odaiko, Oni TaikoJour 9 : Samedi 8 septembre 2012 - KASA Mix jour 5 - Isshioni, Gezan Bayashi, souper d'adieuJour 10 : Dimanche 9 septembre 2012 - KASA Mix jour 6 - La fin du séjour au centre des apprentis |